MANIFESTE POUR UNE PHOTOGRAPHIE DU MOUVEMENT, DE L’INTERMÉDIARITÉ
À l’instar de Roland Barthes, qui distinguait la photographie passive de la photographie active, je choisis résolument la seconde. Je ne suis pas témoin, je suis créateur. Là où le reporter capte la réalité telle qu’elle se donne, je la questionne, je la reconstruis, je la transfigure.
Et pourtant, un paradoxe me guide : dans cette mise en scène, je cherche la vérité cachée des gestes, des postures, des expressions fugitives. Mon objectif : redécouvrir le mouvement humain non pas comme un flux linéaire, mais comme une tension intérieure, une trace sensible dans l’espace-temps.
Autodidacte, je marche dans les pas de ces visionnaires qui, depuis Nicéphore Niépce, ont fait de la lumière une mémoire. Pendant des années, chaque photographie rencontrée m’imposait une même question : que reste-il après l’instant figé?
La réponse m’est venue dans ma rencontre avec l’œuvre de Francis Bacon. Pour moi, il fut immédiatement le peintre du mouvement, du trouble, de la chair en déséquilibre. Par lui, j’ai compris que l’abstraction n’est pas un éloignement du réel, mais une manière plus aiguë de le sentir.
C’est dans cette logique que s’inscrit ma recherche photographique : capter l’invisible du visible, l’entre-deux du geste, ce moment suspendu que le flou révèle plus qu’il ne masque. Par l’usage de la pause lente, je transforme le figuratif en abstraction, je donne corps à l’éphémère.
Je suis le photographe du passage, de l’entre-temps, du presque. Mon flou n’est pas une erreur, il est une langue. Il est un cri silencieux, un souffle prolongé, une matière en devenir.
Mon travail n’est pas une esthétique du hasard, mais une quête : celle de sublimer la matière humaine par le mouvement, d’ouvrir des portes vers d’autres niveaux de réalité. Chaque image est un seuil. Chaque composition, une tentative d’épuiser le visible pour mieux dire l’indicible.
Thierry Malty